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Le seul candidat autodidacte

— Je quitte l’école à l’âge de 14 ans et quelques mois. Les conditions rocambolesques du clap de fin de ma scolarité mériteraient d’être contées. Peut-être un jour, un anecdote parmi d’autres, si je trouve le temps…

— Quelques mois plus tard, après les vacances d’été, je travaille avec papa dans son petit atelier d’imprimerie-cartonnage. En ce début de collaboration, la relation père-fils n’étant pas évidente et mon assiduité au travail se révélant assez aléatoire, il décide de me trouver un emploi ; ce sera une place d’apprenti géomètre : « Toi qui aimes la nature, ça te plaira. » Le métier est tout sauf bucolique. Après une petite année d’apprentissage, j’abandonne et me retrouve à tourner en rond.

— Entre-temps papa a fermé son atelier ; ou plutôt les gendarmes, ses voisins mitoyens, ses potes, l’ont gentiment poussé dehors de son atelier et ont posé les scellés (ils lui avaient réparé à l’œil son 6.35 FN-Browning récupéré en Belgique durant la guerre ; en échange il leur faisait des petits travaux d’imprimerie à titre gracieux.) ; puis il s’est séparé de maman ; ou plutôt maman s’est séparée de papa ; ou plus exactement maman a viré papa de l’appartement et a gentiment balancé ses affaires dans l’escalier : double faillite, papa. Il est récupéré au sein du siège d’une grosse entreprise, mais il doit quitter les bords de la Corrèze pour les rives de la Meurthe dans l’Est de la France, pour cause d’absorption (on dirait aujourd’hui « fusion-acquisition ») : c’est la condition sine qua non de son emploi. J’aime bien maman, mais je suivrai papa dans le déménagement : l’exilé c’est lui. En avant pour 700 km !

— Nous roulons derrière un énorme semi-remorque qui contient le mobilier de quatorze familles. À l’arrivée, le camion se gare devant l’entrée d’une barre HLM assez tristounette du 1% patronal et nous livre en premier avant de repartir aussitôt. Les regards aux fenêtres sont attirés par le monstrueux camion. Les chauffeurs ouvrent les portes arrière, puis déposent sur le trottoir une demi-douzaine de cartons. Toute notre richesse. C’est là que nous prenons conscience que nous sommes vraiment fauchés, sans le sou, ce qui s’appelle ratiboisés. Peu importe, nous sommes chez nous. Dans cet appartement résolument vide, nous couchons sur des matelas faits d’une épaisseur de journaux, et nous mangeons sur la table d’évier. Heureusement l’entreprise fera un prêt à papa pour amorcer la pompe et repartir à zéro.

— De 17 à 25 ans, je débute comme arpète dans le bâtiment, puis trouve à m’employer dans diverses entreprises de chauffage-climatisation tantôt à Paris tantôt chez nous. C’est dans la dernière entreprise parisienne où je reste près de cinq ans que surviennent les événements de Mai 1968. J’ai la responsabilité d’une soixantaine d’immeubles parisiens en gestion de chauffage collectif. Avec ma petite 4L Renault de fonction, dès le travail achevé, je suivrais les événements de fond en comble. Je ne sais pas encore quel sera ma destinée, mais ce dont je suis sûr, c’est que ces événements, que certains prennent pour une effervescence d’étudiants attardés, vont provoquer en moi un choc et me marquer définitivement, avec le sentiment très ancré d’une menace sur notre pays que j’interpréterai plus tard comme un changement d’anthropologie civilisationnelle, avec en arrière-plan la volonté de détruire la France historique originelle et toute la civilisation séculaire qu’elle véhicule depuis les premiers temps. Je ne sais toujours pas ce que sera ma vie, mais là encore, je suis sûr d’une chose : elle sera politique ; non pas au sens politicien du terme, mais politique de FOND.

— De 25 à 40 ans, je change d’activité et deviens commercial. Après trois entreprises, je me spécialise dans la quatrième comme commercial dans la robinetterie industrielle. Entre-temps, j’ai rejoint le Limousin pour me rapprocher de ma famille. C’est au bord de la quarantaine que je pose la valise. J’ai la surprise de constater que ma réputation professionnelle a dépassé ma propre entreprise et je suis sollicité. Mais ma décision est irrévocable : je fais un grand plongeons dans le vide. J’adhère au Front National « historique », le seul, l’unique, où je resterai quatorze ans, jusqu’en 1998, jusqu’à la rupture du mouvement. Ma vie ne sera alors qu’une succession de petits boulots. Attiré par les médecines naturelles, je tenterai en parallèle une approche de la problématique de l’alimentation issue de l’agriculture biologique.

— À 60 ans, je prends ma retraite. Je décide de fonder un mouvement politique factice pour évaluer le fruit de ma réflexion : il portera le nom de Force Française (créé en 2003, officiellement en 2010). Mon expérience FN sera très utile dans ma démarche. Ce qui au départ n’est qu’un grossier brouillon, va se préciser et former avec le temps un solide corpus général : 17 ans jusqu’à ce jour où je réanime le présent site internet à partir de l’élection présidentielle de 2022.

— Vous vous dites autodidacte. D’accord. Mais où avez-vous appris pour développer des compétences générales ? Comment vous êtes-vous formé ? Je n’aurai qu’une seule réponse à ce genre de questions : le travail, le travail, et les sacrifices consentis : les W-E, les loisirs, les vacances, quelques pauses sabbatiques studieuses ici et là… Ne cherchons pas d’autres recettes.

— Comble du sacrifice volontaire qui entraîne nécessairement des effets pervers, dont le plus grand sera de ne pas avoir fondé de famille. Un vide béant ressenti comme une absence, un manque qui me hante, m’obsède et que je pleure. L’absence d’enfants autour de moi, et de celle qui aurait été mon épouse et leur mère. Créer un foyer n’était pas une option chez moi, mais la réponse à un appel inné. Je n’aurais jamais pu nourrir ma famille ni peut-être la rendre heureuse. La vie est ainsi faite. Il faut assumer ses choix et accepter les conséquences de ses déterminations.


Addendum

La diagonale du crétin

Il n’est généralement pas bien vu, pour ne pas dire mal perçu, dans les milieux intellectuels ou universitaires de s’afficher autodidacte. Pour eux seul compte le parchemin, l’indispensable sésame, le passe-droit qui ouvre les portes, le nec plus-ultra pour accéder à la reconnaissance de l’élite républicaine, le coupe-file magique qui vous permet d’atteindre les premières loges de la gloire, là où vous devriez piétiner dans l’ombre.

Loin de moi de suggérer que le diplôme est inutile et qu’il ne sert à rien, surtout dans le domaine professionnel. Sauf que, depuis trop longtemps, il a été dévalorisé et a perdu de sa valeur sélective, mais aussi édifiante. Et surtout, il a été de plus en plus détourné comme marque d’allégeance au système politicien républicain. Cela se remarque surtout dans certaines disciplines comme les sciences dites « humaines », les écoles politico-technocratiques comme l’ENA, Science-po, l’École de la magistrature, les Grandes Écoles, et évidemment l’ensemble de l’Éducation dite Nationale… En fait, tout l’enseignement public est touché, toutes disciplines confondues. De véritables incubateurs de la doxa républicaine progressiste.

J’ai volontairement échappé à cette énorme machine à normaliser les cerveaux qu’on appelle l’école républicaine, laïque (radicalement de gauche), gratuite (plus gros budget de l’État), obligatoire (coercition mentale). Et je remarque aussi que bien peu arrivent à en sortir ou font l’effort de remettre en question ce façonnage industrialisé des têtes molles.

Même l’école catholique conventionnée ou sous contrat, ex-école libre, ayant renié ses fondamentaux christiques, s’est alignée sur le modèle républicain imposé pour survivre. Il faut parfois creuser profond le site internet d’une école « privée » pour trouver trace de son caractère confessionnel. Pour avoir tenté de remettre un peu de christianisme dans son école, le directeur de Saint-Jean de Passy, un lycée des plus performants de Paris, a été chassé de son poste : trop catholique ! Bourgeois, d’accord, mais catholique, point trop n’en faut (1). Nombre de parents d’élèves de la Catho sont eux-mêmes de bons républicains, parfois de gauche, voire d’une autre obédience, plaçant leurs enfants dans ces établissements, non pour faire d’eux de bons chrétiens, mais pour ne pas les mêler à la racaille extra-européenne avec les risques que cela suggère — racaille dont ils ont eux-mêmes favorisé, par leur vote ou leur militantisme idologique, la transplantation dans notre pays.

Pour ma part, j’ai échappé à la fabrique du crétin, même diplômé, surtout hautement ; volontairement et comme mu par une sorte d’instinct de conservation, de préservation de mon équilibre mental, j’ai refusé, assez jeune, je dois le dire (c’est peut-être inné), de passer par la « fabrique du crétin ». Je ne saurais être trop reconnaissant à M. Brighelli d’avoir inventé cette expression que moi-même je n’aurais osée ; mais lui, il est du sérail et il sait de quoi il parle, même s’il est de gauche, ou l’a été, ou ne va pas tarder à ne plus l’être, et même s’il a la trempe d’un solide mécréant ; enfin, comme M. Onfray qui est athée, ou peut-être ne l’est-il plus, ou qui ne sait pas encore, lui aussi, s’il va ne plus l’être ou s’il va rester le brillant athéologue qu’il est (il a inventé le mot). Tout comme ces intellectuels de gauche, tombés de leurs illusions idéologiques devant l’effondrement de leur affectionnée société moderno-progressiste, qui en sont encore, en bons laïcards qu’ils sont, à hésiter entre persévérer sur la voie sécuritaire du progressisme ou virer leur cuti.    

Sans doute suis-je moi-même un Crétin d’anthologie qui s’ignore, mais laissez-moi au moins le suprême privilège de ne devoir cette singularité honorifique qu’à mon propre génie crétinoïde, et non à être le sous-produit standard fabriqué à la chaîne dans les usines à crétins de l’État républicain : 67000 ateliers, 1500000 employés (50% de la fonction publique d’État), 12 millions de cerveaux matricés à l’emporte-pièce chaque année. Même Chaplin dans Les Temps modernes n’y aurait pas pensé.

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1. Certes, on n’attend pas d’une école catholique qu’elle soit un séminaire destiné à la formation des vocations religieuses ou un couvent spécialisé dans les retraites spirituelles. Mais au moins qu’elle respecte le minimum des principes religieux dont elle se revendique, qui plus est quand il s’agit de la religion historique fondatrice de la France, cela rappelé en passant. Je n’ai pas assez d’éléments pour avoir un avis assuré sur le directeur incriminé, mais il avait, semble-t-il, un soutien non négligeable en interne. Ses adversaires n’ayant rien trouvé à lui reprocher sur la bonne tenue de l’établissement, ils vont dénoncer chez lui des attitudes tyrannicides de harcèlement moral et mettrons en avant des élèves en « souffrance ». Il sera remplacé par un directeur en intérim, lequel, à peine en place, démissionnera de son poste suite à une accusation de harcèlement sexuel. Décidément. La hiérarchie diocésaine remplacera le directeur par une directrice : la femme, principe de précaution.

Pour finir, la direction nouvelle de Saint-Jean de Passy semble avoir conservé certains aménagements entrepris par leur ancien directeur évincé, ne serait-ce que le port de l’uniforme, très sobre, et la présence d’une statue de la Sainte Vierge dans la cour d’honneur, sous le haut patronage de laquelle l’école a mis les élèves, les parents et les anciens élèves. J’ai lu sur le site de l’école un éditorial fort bien tourné par ce laïc, ancien chef d’établissement, consacré au Décalogue et aux Béatitudes en relation avec sa pédagogie. Il est vrai qu’on a l’impression d’une homélie qui aurait plutôt sa place déclamée dans une chapelle ou à l’église. Après tout, ne voulait-il pas remettre Dieu et l’Évangile au centre de l’école catholique ? Comme goulag, SJP, on a vu pire.

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